100 ans de danse Awa au 20ème siècle

Ce texte est un article du site du groupe Nansui-ren. Ce dernier est une retranscription du film « 100 ans de danse Awa au 20ème siècle ». Il décrit 100 ans d’histoire moderne de la danse Awa.

Bonne lecture !


Il semblerait que la « danse des esprits1 » qui avait pour fonction d’apaiser l’esprit des ancêtres soit à l’origine de la danse Awa. Née au sein des gens ordinaires, elle a su évoluer à travers les époques et les âges (Ères Meiji, Taishô, Shôwa, Heisei2). Regardons de plus près ces 100 ans d’histoire.

A quoi pouvait ressembler la danse Awa pendant l’ère Meiji ? En fait, elle était très différente d’aujourd’hui. A cette époque les chemins de fer arrivent pour la première fois, le parc de Tokushima est achevé et la culture des pays occidentaux est introduite dans le pays.

A l’heure où toutes ces nouveautés arrivent, la danse des morts3 de Tokushima hérite déjà de 300 ans de longues traditions de la période Edo. Une singularité d’autrefois qui s’explique par un simple dicton, « N’importe qui peut participer en toute simplicité et danser librement » et pour la première fois dans son histoire, a été évoquée la danse Awa dans un journal de 1883.

Danseurs Awa
Danseurs Awa de l’époque Edo

En voici un extrait :

« En même temps que l’horloge indique minuit, le ciel est à midi, en dansant avec vigueur, chakachaka4 dondon5, pyu pyu6 guwaraguwara7. En blessant le sommeil paisible des gens, peu importe si le travail de demain n’aboutira à rien, Shinmachi; Uchimachi, sans oublier Ooka, courir confusément à droite et à gauche jusqu’à la banlieue de Josanjima8, arriver à danser jusqu’à l’aube. »

A cette époque, les festivités d’Obon s’étalent sur 3 jours et on dansait jusqu’à l’aube sans se soucier du jour ou de la nuit. Cependant, à l’ère Meiji surviennent les guerres victorieuses sino-japonaises et russo-japonaises. On se rassemble dans chaque région du pays pour fêter ces victoires.

A Tokushima des célébrations Awa ont lieu et les participants trinquent dans une ambiance festive. C’est pendant cette période de guerre qu’on y découvre, en plus de la traditionnelle fête d’Obon, des célébrations pour fêter la prospérité de l’économie.

Lorsque l’ère Taishô débute, la vie des gens devient plus prospère et confortable et une nouvelle culture et de nouvelles pensées apparaissent. Et au sein de la danse Awa, qui n’est que le simple reflet de son époque, on y voit apparaître de nombreux styles uniques.

A l’ère Taishô, celles qui mènent la danse Awa sont les geishas de Hanamachi, Tomimachi et Uchimachi9. De nombreux spectateurs viennent de la préfecture de Tokushima ou d’ailleurs pour assister de plus près à la danse des élégantes et raffinées geishas10.

De l’ère Taishô jusqu’à l’ère Shôwa, la danse Awa est déjà connue comme l’une des principales danses des fêtes d’Obon. Mais en 1937, même la danse Awa a été réduite au silence à cause d’un évènement ; C’était l’incident du pont Marco Polo, le déclencheur de la guerre avec la Chine. A partir de cet instant, les festivals Awa ont été annulés et les villages autrefois teintés par la musique Zomeki 11 ont été noyés par le son des coups de feu.

En décembre 1941, c’est le début de la guerre du Pacifique avec la déclaration du guerre du Japon aux États-Unis ainsi qu’à l’Angleterre. Malgré tout, les bons résultats du début de la guerre incitent l’armée japonaise a autorisé en 1942 la reprise des festivals Awa, peu de temps avant que la situation de la guerre ne s’aggrave à nouveau et qu’ils soient progressivement annulés.

Et puis fin 1945. La fin de la guerre …

La ville de Tokushima est réduite en cendres et les gens ont perdu leurs êtres chers : familles, frères et sœurs, femmes et enfants. Il n’y a plus de logements ou de nourriture et chacun fait de son mieux pour survivre.

Article film Awa no Odoriko
Article parlant du film « Awa no Odoriko »

Cinq ans après l’annulation des festivals Awa, ces derniers ressuscitent enfin à travers le film des studios Toho, « Awa no Odoriko », dont le tournage a lieu dans la ville de Tokushima.

La fin de la guerre voit revenir les festivals Awa et des danseuses supplémentaires rejoignent les geishas du Karyukai12 qui s’étaient entraînées durement. En cette sombre période de guerre, les habitants de Tokushima attendent avec impatience le retour de la danse Awa.

Ce n’est qu’au mois d’août 1947 que les rythmes Zomeki13 se font à nouveau entendre dans la zone dévastée de Tokushima et, affublés de costumes miteux, les danseurs sans kimono se peignent le corps nu avec du charbon et dansent ainsi. La joie de cette période de paix retrouvée se lit sur le visage des villageois.

En 1949, le retour à la normale tant souhaité après cette catastrophe permet la réouverture d’une scène de danse située devant la gare de Tokushima. Ce regain d’énergie apporté par la danse devient le symbole de Tokushima et apporte un énorme soutien aux habitants. En ville, de nouveaux bâtiments et routes sont construits et les marques de la guerre disparaissent peu à peu. Chacun est convaincu que la reconstruction est une réussite.

Festival Awa
Les forces d’occupation assistent à une représentation Awa

Ci-dessus, on peut voir une image de danse Awa ayant lieu au rond-point de Motomachi, qui se situe devant la gare de Tokushima. On y voit au centre des visiteurs assistant à une représentation : Il s’agit d’officiers des forces d’occupation14. Ces places de spectateurs ont été spécialement construites pour eux.

Au début de l’année 1955, une vague de croissance économique importante arrive et une remarquable expansion commence. C’est une période de paix et de prospérité pour tous. Dans le centre ville de Tokushima ont été installées des rangées de auvents par des boutiques de souvenirs, et jour après jour vient une foule animée.

L’image ci-dessous est datée de 1959. Il s’agit d’une représentation ayant lieu en face de la mairie. La danse de style “femme” de cette époque est très différente d’aujourd’hui. En effet à l’époque on levait les mains à hauteur d’épaule, en laissant tomber langoureusement les doigts vers le bas15.

Danseuse de 1959
Une danseuse Awa de 1959

Ci dessous, une autre image de la danse de style “femme” datée 1965 du groupe Heiwa-ren. Si on la compare à la danse de 1959, on voit bien que les bras montent un peu plus haut.

Danseuse de 1965
Une danseuse Awa de 1965

Par la suite, cette position des deux bras a évolué pour monter de plus en plus haut. A gauche, 1959. A droite, une photo de notre époque du groupe Manji-ren (まんじ連).

Danseuses Awa
A gauche, une photo de 1934, à droite, une photo de notre époque

Cette évolution n’est pas le fruit du hasard. Celle-ci est en fait dû à la réduction de la taille des tribunes de spectateurs d’année en année. En effet, les tribunes étant en hauteur, le point de vue des spectateurs a changé du haut vers le bas. Les danseurs ont donc progressivement levé les bras pour offrir une danse à la fois belle et visible par tous.

La danse Awa est passée « d’une danse à laquelle on participe, à une danse que l’on montre ». Grâce à d’ingénieuses mises en scènes, des danseurs originaux se sont mis à émerveiller les yeux du public. Cette danse a d’ailleurs été présentée lors de l’exposition universelle d’Osaka en 1970 et pour la première fois en 1967 elle est présentée à l’étranger, à Honolulu. Comme pourrait l’être un relais satellite cet événement eut pour effet de booster la popularité de la danse Awa au Japon mais aussi à l’étranger. Et en même temps, la danse, la composition et l’organisation des groupes changent.

Avant guerre, il y avait plus ou moins 20 personnes dans un ren16. Après guerre, cela montait à une centaine de personnes par groupe. Tandis que pour les instruments, on trouvait des formations d’instruments à cordes tels que les shamisen, ou des percussions telles que les kane et les taiko.

« La force d’un groupe, c’est la force du son, une bonne organisation et une osmose parfaite ». Ce proverbe est devenu le courant dominant de l’Awa Odori d’aujourd’hui. Et bien que l’Awa ait changé en suivant l’évolution du temps, elle a aussi toujours été aux côtés des gens ordinaires.

C’est au sein d’un ensemble de sentiments, la joie, la tristesse, les peines et la colère, que la danse Awa trouve sa force motrice. C’était 100 ans de danse Awa : c’est l’histoire à travers les âges des gens ordinaires.

(Source originale : 100 ans de danse Awa au 20ème siècle)

Article original (en japonais)

阿波おどり100年の歴史

先祖の霊を慰めるための「精霊踊り(盆踊り)」がその起源と一節にいわれる阿波おどりは、時代の移り変わりと共にその姿を変えてきました。
庶民の中から生まれ、庶民と共に歩み続けた阿波おどり。
明治〜大正〜昭和〜平成と、その100年の歴史を振り返ります。

明治時代の阿波おどりは、一体どんな踊りだったのでしょうか?
実は、今の踊りとはかなり異なっていました。
長かった藩政時代が幕を下ろし、明治という新しい時代が始まりました。
徳島でも鉄道が開通したり、徳島公園が完成するなど、西欧諸国の新しい文化が取り入れられました。
しかし、徳島の盆踊りは江戸時代から300年の伝統が受け継がれてきました。
その特徴は「庶民誰もが気軽に参加でき、自由に踊れる」ことでした。
明治16年の新聞には、その年行われた阿波おどりの様子が掲載されています。

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「時鐘が午夜を報ずるとともに、ソラこそ12時だ、踊れ踊れと勢い込んで、チャカチャカドンドン、ピューピューグワラグワラ。人の安眠を害するも、明日の仕事がペケになるも一切かまいなく、新町、内町は申すにおよばず大岡、常三島の場末までも右往左往と行き違い、明け方ごろまで踊りいたる」

当時の盆踊りは三日間、昼夜を問わずぶっ通しで踊り明かしていました。
明治時代、日本は日清・日露戦争を戦い、勝利します。
国内では各地で勝利を祝う催しが行われました。
徳島では「祝勝阿波おどり」が開かれ、誰もが戦勝ムードに酔いしれました。
戦争を期に、この頃からお盆以外でも景気づけやお祝いの度ごとに阿波おどりは開催されるようになりました。

大正時代に入ると、庶民の暮らしは豊かになり、様々な文化や思想が開花しました。
阿波おどりも時代を反映するかのように、自由でユニークなスタイルのものが多くみられるようになりました。

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大正時代、阿波おどりをリードしていたのは、なんといっても花柳界、富町や内町の芸者たちでした。
優雅で風情のある芸者の踊りをひとめ見ようと、県内外から多くの見物人が集まりました。
大正時代から昭和にかけて 、阿波おどりは既に日本有数の盆踊りとして人気を集めていました。
しかし、盛況に沸く阿波おどりも、この後しばらくして長い沈黙を強いられることになります。
戦争です。
昭和12年、満州で盧溝橋事件(ろこうきょう)事件が勃発。
阿波おどりはこの年から中止されました。
街にあふれた「ぞめき」の音色は、銃声にかき消されてしまいました。

阿波おどり中止から5年経った昭和16年4月、阿波おどりが復活しました。
東宝映画「阿波の踊り子」のロケが徳島市内で行われたのです。

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5年ぶりの阿波おどりとあって、踊り子のエキストラには芸者たちから希望者が殺到しました。
芸者は花柳界の誇りをかけ、猛練習に励みました。
暗い戦時体制のもと、阿波おどりは徳島の誰もが待ち焦がれていたものだったのです。
同じ年の昭和16年12月、日本はアメリカとイギリスに宣戦布告し、太平洋戦争が始まりました。
日本軍は序盤戦果をあげ、翌昭和17年には阿波おどりが再開されたものの、その後戦況が悪化するや、阿波おどりはたちまち中止となりました。
そして昭和20年、終戦・・・
徳島の街は一夜にして灰と化し、人々は最愛の肉親や兄弟、妻や子を失いました。
住む家も食べる物もなく、誰もが生きることに精一杯でした。

昭和22年8月、徳島の焼け跡にぞめきのリズムが響き渡りました。
あり合わせのみすぼらしい衣装、着物がない踊り子は裸の体に鍋の炭を塗って踊りました。
しかし、どの顔にも平和な時代を迎えた喜びが満ち溢れていました。

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HistoireAwa_7 (娯茶平)

昭和24年、戦災からの復興を願う阿波おどりが徳島駅前広場で開催されました。
にぎやかで躍動感いっぱいの阿波おどりは徳島の復興のシンボルとして、人々の圧倒的な支持を受けました。
市内では新しい建物や道路が次々と建設され、戦災の爪痕は次第に消えて、誰もが復興を成し遂げたことを確信しました。
下は昭和26年、徳島駅前の元町ロータリーで行われた阿波おどりの画像です。
ロータリーの中央部分に踊りを見物する人たちがいます。
進駐軍の将校たちです。
この見物席は進駐軍のために作られた特別席でした。

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昭和30年代に入ると、日本は高度経済成長の波に乗り、めざましい発展を遂げました。
誰もが平和と豊かさを噛みしめた時代でした。
徳島市内には観光客目当てのみやげもの店が軒を連ね、連日多くの人で賑わいました。
下の画像は昭和34年、市役所前の演舞場です。
この時代の女踊りは、現在とかなり違っています。
両手を肩の高さで上下させ、指先もだらりと下を向いています。

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下は昭和40年、平和連の女踊りです。
昭和34年の踊りと比べて、両腕が少し上がっているのがわかります。

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この後、現在のような両腕を高く突き上げる美しいフォームへと変化していきました。
左が昭和34年、右が現在の踊りです。(まんじ連)

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このように変化を遂げていったのには理由があります。
それは、年々大型化していった「桟敷(さじき)」の存在です。
桟敷の出現で、観客席から客の目線が上から下へ見下ろす形となり、それにともなって踊り子の手もだんだんと上へ上がり、見てくれのいい踊りに変わっていきました。
「参加する踊りから見せる踊り」へ変わっていったのです。
見られることを計算した阿波おどりは、工夫を凝らした演出や、ユニークな踊り手たちが観客の目を楽しませました。
さらには、大阪万国博覧会をはじめとする各地の博覧会に出演して、積極的にPR活動を行いました。
1967年には初めて海外へ進出し、ハワイのホノルルで乱舞を披露しました。
この様子は衛星中継で全国に放送され、阿波おどりは日本はもとより、海外からもひっぱりだこの人気となりました。
踊りと同時に、連の編成も変わっていきました。
戦前には20人程度だった連は、戦後次第に大型化し、100人規模に膨れ上がりました。
鳴り物は三味線などの弦楽器から、鐘や太鼓といった打楽器中心の編成となりました。
「大音量・大編成・そして一糸乱れぬ組織力」これが現在の阿波おどりの主流となりました。
時代と共にその姿を変えていった阿波おどり。
しかし、阿波おどりはいつも庶民と共にありました。
人々が感じる喜びや悲しみ、さらには憎しみや怒りまでもがその原動力となり、阿波おどりは今に生きています。
阿波おどりの100年。
それは時代をたくましく生きた庶民の歴史です。
( 参考資料:徳島の20世紀 阿波おどりの100年 )

  1. Seirei-Odori, bonodori ou encore obon : Obon est un festival japonais honorant les esprits des ancêtres. Il se déroule en général à la mi août ↩︎
  2. Ère Meiji : 25 janv. 1868 – 30 juil. 1912
    Ère Taisho : 30 juil. 1912 – 25 déc. 1926
    Ère Showa : 25 décembre 1926 – 7 janvier 1989.
    Ère Heisei : 8 janv. 1989 – 30 avr. 2019 ↩︎
  3. Voir (1) ↩︎
  4. Chakachaka : Onomatopée. Fait référence au son de la cloche Kane. ↩︎
  5. Dondon : Onomatopée. Fait référence au son du tambour Taiko ↩︎
  6. Pyupyu : Onomatopée. Fait probablement référence au son de la flûte japonaise ↩︎
  7. Guwaraguwara : Onomatopée. Fait référence à quelque chose qui bouge frénétiquement. Vraisemblablement les danseurs ↩︎
  8. Shinmachi, Uchimachi, Ooka, Josanjima : Ce sont des quartiers de Tokushima. ↩︎
  9. Hanamachi, Tomimachi, Uchimachi : Quartiers de Tokushima ↩︎
  10. Dans le texte original est utilisé le mot « fuzei » (風情). une traduction simpliste et littérale pourrait être « élégance, charme ». Fuzei fait en fait référence à l’élégance, un peu romantique, japonaise. Par romantique, on ne fait pas référence au romantisme adolescent mais plutôt à des situations apaisantes. Par exemple, le son des criquets à la faveur d’une promenade en été dans le sud de la France, ou encore le bruit des vagues alors qu’on contemple une mer paisible. Fuzei fait référence à un charme romantique qui reste ancré de façon bienveillante dans le cœur du spectateur. Fuzei est composé des caractères 風 (Vent) et 情 (sensation). Autrement dit, « la sensation du vent ». ↩︎
  11. Zomeki (騒き) : Désigne la musique pratiquée lors des célébrations Awa. c’est une musique qui utilise les instruments traditionnels japonais ↩︎
  12. Karyukai : Quartier des plaisirs ↩︎
  13. Voir (11) ↩︎
  14. Forces d’occupation : Les forces américaines ↩︎
  15. Le texte original utilise le mot だらり (darari), qui se réfère par exemple à l’image du obi tombant du kimono d’une geisha ↩︎
  16. Ren : Groupe en danse Awa ↩︎