Des origines de la danse jusqu’au 20ème siècle

Ce texte est un article du site du groupe Nansui-ren. Ce dernier est une retranscription d’un livre édité par la branche de Tokushima du journal Asahi Shimbun, « Le monde de l’Awa ».

Bonne lecture !


Les origines de l’Awa

La plus connue des théories à propos de la naissance de la danse Awa est celle de la construction du château du seigneur de Tokushima. La danse Awa serait née la 14ème année de l’ère Tenshô1 lors de la construction du château de Tokushima par le Seigneur de guerre Hachisuka Yoshishige. A la fin de sa construction, les artisans et villageois auraient dansé frénétiquement en chantant « Medetaya ! Medetaya 2! » dans la cour du château.

Cependant de nombreux historiens démentent cette théorie. En effet, du fait des omniprésentes et sanglantes guerres civiles qui se déroulaient à cette période3, il est impensable que les nombreux secrets entourant la construction d’un château aient été partagés au peuple. Mais alors dans ce cas, quand et comment la danse Awa est-elle née ?

En y réfléchissant, les documents et textes qui nous donneraient des indices à ce sujet sont peu nombreux et la vérité est encore aujourd’hui teintée de zones d’ombres. Ces zones d’ombre, nombreuses, sont dues au fait que la danse Awa a toujours été consignée dans l’histoire par des personnes qui n’avaient aucun lien avec elle 4. Malgré tout, et même si on ne connaît toujours pas l’origine exacte de l’Awa, on peut toutefois affirmer que la construction rapide du château a été célébrée en grande pompe par les villageois.

Il est intéressant de noter que dans la province d’Awa5 à la fin de l’ère Edo6, la participation des samouraï à la danse Awa était strictement contrôlée. Ces faits sont soulignés par des sources telles que un journal intime daté de 1841. Écrit par un marchand d’indigo prénommé Katoya, il y écrit qu’un haut gradé7, Hachisuka Ikkaku, de la province a été trouvé en train de danser avec le peuple et envoyé en cellule pour cela.

On suppose que les autorités de la province d’Awa craignaient deux choses de la part du peuple lors des célébrations Awa. La première, c’était que des villageois alcoolisés et mécontents n’affrontent des samuraï dans la journée. La seconde chose que craignaient les autorités était le cas de villageois qui auraient sympathisé avec des samuraï grâce à la danse. Ils craignaient que les villageois ne pensent que les « Samuraï sont comme nous, des êtres humains » et que par conséquent, l’autorité des samuraï ne s’effondre8.

La danse Awa étant à l’origine une danse du peuple, sauvage et libre, elle ne pouvait pas par essence apporter son soutien aux souverains. Elle était donc perçue comme dangereuse par les autorités. Mais paradoxalement, par son caractère unique, on peut penser qu’elle leur apportait malgré tout un certain soutien9.

Une danse à laquelle tout le monde peut participer.

Pendant toute la période de l’ère Edo jusqu’à l’ère Meiji10, les riches marchands d’indigo de la province d’Awa organisaient des festivités grandioses auprès des geishas du Karyukai11 de Tokushima. L’Awa est alors passée d’un statut de danse populaire à celui d’une danse sophistiquée grâce à son appropriation par les artistes professionnelles qu’étaient les geishas. Leurs performances se présentaient sous la forme de banquets appelés « ozashiki12 ». Le nombre de geishas à cette époque se portait à 500 dans le quartier de Tondacho.

Les clients qui venaient d’Osaka ou de Tokyo étaient ainsi accueillis par les marchands d’indigo. A cette période, la danse Awa était indispensable dans ces banquets, et les geishas apprenaient aux clients les basiques de la danse et les faisaient ensuite danser. On raconte que ces soirées étaient particulièrement populaires.

Pour les geishas, les vendeurs d’indigo étaient des clients d’honneur extrêmement importants et aux yeux d’une geisha en devenir13, attirer l’attention d’un riche marchand d’indigo leur conférait un nouveau statut. Maîtriser l’art du shamisen, de la danse et du chant était donc de première importance pour elles et leur carrière.

De plus, les marchands d’indigo permettaient grâce à leur richesse de ramener avec eux les arts traditionnels des autres régions à Tokushima.

L’artiste la plus populaire de la chanson « Yoshikono14 », connue sous le nom d’Okoi-san15, nous racontait ceci :

« J’ai entendu que l’origine de Yoshikono se trouverait dans la ville d’Itako dans la région d’Ibaraki. Les chansons de toutes les régions n’ont-elles pas été réunies pour devenir Yoshikono ?

Seuls les marchands d’indigo ont pu traverser ce pont [qu’étaient les frontières entre les régions16] »

Par la suite, la danse Awa, spécialement utilisée par les marchands d’indigo pour leurs transactions commerciales, s’est démocratisée au sein des autres types de commerces. Par exemple, au sein même des petits commerces familiaux ordinaires, les enfants des propriétaires ou les jeunes employées apprenaient -sur le modèle des geishas- la danse et l’utilisation des instruments comme le shamisen. Ceci avait pour but de permettre à ces petits commerces, dont les moyens étaient limités, de proposer à leurs clients des représentations Awa. Et c’est ainsi que le dicton « Une danse que tout le monde peut pratiquer » est né. Car quelle que soit la caste à laquelle on appartenait, il était possible de pratiquer l’Awa Odori.


Article original (en japonais)

阿波おどりの起源

阿波おどりは、江戸時代の天正14年(1586年)阿波の戦国武将・蜂須賀至鎮(はちすか・よししげ)が徳島城を築いたとき、場内で祝杯を重ねた職人や町の人々が「めでたや・めでたや」と踊り狂ったのが始まりとされています。

いわゆる「蜂須賀入城起源説」です。

しかし歴史家の多くは、まだ戦国の血生臭さが漂う天正年間(1573〜1592)に、機密の多い城内が民衆に開放され、そこに乱舞の渦ができるなどありえないと唱え、この説を否定しています。

では、阿波おどりは一体いつ頃、どのように始まったのでしょうか?

推理をめぐらせようにも、手がかりになる資料や文献があまりに少なく、実際のところ真実は闇の彼方です。

それは阿波おどりが常に、歴史を記録する側とは無縁の人々によって支えられてきたから、といえるかもしれません。

阿波おどりの起源がわからないにしても、築城以後急速に広がり、庶民が熱を入れたのは確かなようです。

だれでも踊れる阿波おどり

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江戸時代の後期になると、阿波藩が武士の阿波おどりへの参加を厳しく取り締まりました。

藍商の「加登屋日記」によると、1841年(天保12年)には、藩の中老で千石取りの蜂須賀一角が民衆の中で踊っいるところを見つかり、座敷牢に幽閉されたと記されています。

阿波藩は民衆が阿波おどりに熱を入れることに対し、2つのことを恐れていたと推測されます。

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1つは、阿波おどり期間中の興奮状態にある民衆が、日ごろの不満を爆発させて武士と衝突すること。

もう1つは、武士と一緒に踊って仲良くなった民衆が「武士も同じ人間だ」と知り、武士支配の体制が崩れることです。

阿波おどりは支配者の支持を受けることができませんでしたが、逆説的にいえば、だからこそ庶民の支持を得られたのかも知れません。

江戸から明治にかけて、莫大な資産を築いた阿波の藍商人は、徳島の花柳界で型破りの豪遊をし、当時、芸者の間で「お座敷芸」として踊られていた阿波おどりをより洗練されたものに育て上げたといいます。当時、富田町の芸者は500人以上。

大阪や東京から藍を買い付けに来た取引先の客を、藍商人が毎晩のように接待していました。

この時代、宴会には阿波おどりが欠かせなかったようで、芸者に手ほどきを受けた客たちも身ぶり手ぶりで踊り出し、とても評判が良かったといいます。

芸者にとっては、藍商人は「上客」です。

彼らに気に入られるような「芸達者」になることが1つのステータスでした。

一流と呼ばれるように三味線や踊り、歌などの芸を賢明に磨きました。

さらに、全国の花街でもその財力に物を言わせ、贅の限りを尽くした藍商人は、各地の伝統芸能を徳島に持ち込みました。

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はやし唄「よしこの」の第一人者・多田小餘綾(ただ こゆるぎ)さんこと通称・お鯉さん(2008年4月6日亡)も生前「よしこのの源流は潮来節と聞いている。これに全国各地の歌が加わり、徳島のよしこのになったのではないか。その橋渡しは藍商人しかいない」と話しています。

藍商人の豪遊につられ、他の商取引でも阿波おどりが接待に使われるようになります。

一般の商家では「芸者をあげて」とはいかず、子どもや手伝いにくる女性に三味線などの鳴り物を習わせ、踊らせました。

この風習が庶民の間にも根付き「だれでも踊れる阿波おどり」の土台が形成されていったといわれています。

( 参考文献:朝日新聞徳島市局「阿波おどりの世界」)

 

  1. Soit en 1586. L’ère Tenshô s’étalant de 1573 à 1592. ↩︎
  2. Medetaya ! Medetaya ! : « Bravo ! Bravo ! » en ancien japonais. ↩︎
  3. Époque Sengoku. 1573〜1592. ↩︎
  4. Ceci tient probablement du fait que les lettrés n’étaient pas issus du peuple, là d’où vient la danse Awa. De plus, les archives de l’époque étaient écrites dans le but premier de consigner la vie de la famille royale et des hautes autorités et non pas des simples roturiers. ↩︎
  5. Province d’Awa – Qui correspond à la région de Tokushima actuelle. ↩︎
  6. Ère Edo : 1603 – 1868 ↩︎
  7. Dans le texte est utilisé le terme de « chûrô » (中老), qui renvoie à un rang social similaire à celui d’un ministre français (hors premier ministre). ↩︎
  8. « Castes » au Japon : dans l’ancien Japon existait un système hiérarchique social qui définissait le rang d’un individu. Il existait des catégories de nobles ou de guerriers, de marchands, de paysans ou encore de marginaux tels les parieurs de jeux (les anciens yakusa) ou les geishas. Les catégories sociales les plus « hautes » bénéficiaient d’avantages exclusifs auxquels n’avaient pas le droit les gens du commun, comme la possibilité de voyager à travers le pays. Et c’était notamment le cas de marchands ambulants. ↩︎
  9. L’auteur fait certainement référence au fait qu’une danse aussi populaire permettait aux autorités de contenir le mécontentement des villageois en leur délivrant des moments de joie et de liberté à des moments propices aux souverains. De ce fait, la danse Awa devient alors un outil au service du souverain local. ↩︎
  10. Ère Meiji : 1868 – 1912. ↩︎
  11. Karyukai : Quartier des plaisirs. ↩︎
  12. « Ozashiki » (お座敷芸) : Les zashiki, ou ozashiki, sont des banquets animés par des geishas. Elles y jouent du shamisen, y font de la danse ou encore organisent des jeux avec les clients ou servent les boissons aux invités. Ces banquets, extrêmement coûteux, sont payés par de riches industriels ou personnalités. ↩︎
  13. Les « geisha en devenir » sont en fait des « maiko ». Par ailleurs, contrairement aux idées reçues, ce ne sont pas les geishas qui se maquillent le visage en blanc, mais les maiko. ↩︎
  14. Yoshikono ↩︎
  15. Tada Koyurugi, connue sous le nom d’Okoi-san et décédée le 6 avril 2008 ↩︎
  16. Okoisan fait référence ici au fait qu’à cette époque, le Japon était subdivisé en centaines de petits royaumes dirigés par des seigneurs locaux. Pour pouvoir traverser les frontières de chaque royaume, il fallait posséder un passeport et appartenir à une caste autorisée à voyager. ↩︎